ATELIER DE CRÉATIONS SCÉNIQUES AUTOUR D'UN ROMAN
« J’attends un commencement
qui ne peut finir
l’accusation brève culpabilise
le sauvage que nous sommes
vous souvenez-vous de ceux
qui seront après nous ? (…)»
Avant nous. José Acquelin et Joséphine Bacon , « Nous sommes tous des sauvages »
De quoi demain est-il le risque ?
Qu’avons-nous vraiment à protéger ?
D’où vient la menace ?
A quelles croyances se conforment nos actes ?
Autant de questions auxquelles la communauté qui vit sur l’île Sainte-Hélène fait la sourde oreille.
Dans l’immobilité et la reproduction de rites, de lois, de règles, de croyances, dont elle ne sait même plus l’origine. Société écologique, certes, vertueuse même, mais vaine.
Stérile. Etouffante. Comme vide d’âme.
Le cadre de vie des habitants de Monasphère, hérité d’un jeu de télé-réalité, est pensé pour contenir la violence, les débordements, les crises. La forme donne la mesure de ce qui est « bon pour l’autre ». La relation véritable est rendue impossible, ainsi que la possibilité du changement, du progrès comme de la régression.
De l’autre côté des rives du fleuve Saint Laurent, Montréal, comme toutes les capitales du monde est elle aussi devenue un Wonderland. Ces parcs d’attraction / jeux de téléréalités sont aux mains des gouvernements/médias. Technologiques, polluants, évolutifs ils sont l’instrument de la paix sociale.
Dans cet univers imaginé par l’auteur, les Wonderlands sont la seule réponse donnée au monde par le gouvernement face aux crises – sociales, financières, religieuses, et Monasphère fut en son temps une des réponses données aux nombreuses crises écologiques.
Le roman de Catherine Redelsperger commence au moment où un déséquilibre survient.
Ce déséquilibre prend la forme d’un danger, un risque pour la communauté, celui de périr et de disparaître.
Et contre toute attente, la morale de l’histoire sera qu’il faut sauver ce déséquilibre.
Risquer de mourir, sans quoi il n’y aura pas de vie possible.
Le motif de la sphère est omniprésent dans le roman. Par exemple, l’étranger - le sauvage du passé - fait ici figure de futur.
Il est en effet prophétisé que l’île sera sauvée par un étranger à tête d’iroquois. Or les iroquois sont les ennemis, de toute éternité.
Par où et par quoi faudra-t-il passer pour que l'étranger, l’ennemi, l’incarnation vivante de la peur, devienne la clé et le remède d’une société malade d’elle-même ?
Et comment se projeter vers un futur qui ne soit pas un éternel retour, mais un futur imprévu ?
Le choix de travailler en alternant des ateliers de création et des spectacles, performances, correspond à une nécessité de cohérence entre le fond du propos développé par Catherine Redelsperger et la forme de son expression scénique. Celle-ci ne peut se figer ni se clore, mais demeurer ouverte, en mouvement, imprévisible même. Cette nécessité préside à tous les choix : diversité des lieux, équipe artistique différente à chaque étape, croisement des langages artistiques, porosité des univers.
Cette création qui s’étendra sur trois années sera comme un voyage. Laissant le temps à chaque étape de se sédimenter et de donner matière à la suivante.
Elle sera comme un baromètre du monde tel que nous le percevrons durant les trois années qui viennent, car ce sont ses échos qui viendront nourrir les propositions des artistes.
Sa forme définitive se manifestera au terme des trois années, en 2017-2018.
Le temps fut long aussi pour que la jeune Jeanne Mance partie de Langres traverse l’atlantique et arrive sur les terres de Ville-Marie pour y bâtir un hôpital, le futur hôtel-dieu de la ville qui deviendrait Montréal.
Cet hôpital devait soigner les bâtisseurs du Nouveau Monde, ce monde qui promettait aux sauvage de leur donner une âme…
A nous qui sommes des sauvages - pour paraphraser la poétesse innue Joséphine Bacon - que ce travail nous soit un soin. Que nos âmes se confrontent au monde et lui inventent, inlassablement, du sens et des beautés.