top of page

« Dans les temps lointains dans la ville citadelle aux six portes vivait une communauté paisible. La ville était protégée par ses remparts et le fleuve. La ville était une île où les habitants vivaient en harmonie. Ils avaient choisi une femme LMN pour les guider. Il n’avait aucun contact avec des mondes extérieurs. Jusqu’au jour où une bande de sauvages attaquèrent la ville. Cela se passa une nuit d’hiver. Le vent s’était levé à la tombée de la nuit. Il soufflait sans discontinuer. Aucun habitant ne s’était aventuré à sortir dans les rues étroites et pavées. Chacun était calfeutré chez lui. Les sauvages, tels des acrobates avaient escaladé les murs des remparts et les toits de tuiles des maisons les plus proches. Ils s’étaient glissé jusqu’au sol. Ils ne cherchèrent pas à forcer les portes pour pénétrer dans les maisons. Il n’y eut ni meurtre, ni rapine. Quand les habitants se réveillèrent après une nuit tourmentée par le souffle de la tempête, ils découvrirent en ouvrant leurs volets que certaines portes des maisons étaient marquées d’un signe huit couché dessiné comme des yeux de poissons. La peinture rouge, utilisée pour marquer les portes ne s’effaçait pas. Ils avaient essayé de nettoyer avec des dissolvants, des produits corrosifs, de gratter. Rien n’y faisait. La peinture ne venait pas de leur ville. LMN réunit les leaders des 6 portes. Elle leur avait demandé de relever toutes les maisons qui portaient la marque pour chercher si se dessinaient des liens, une figure. Les 6 zones de la ville avaient été touchées. Les maisons étaient toutes situées à proximité des portes. Les portes étaient menacées. C’est ainsi que le message fut interprété. 

La ville, certes avaient 6 portes, mais le mot et la chose n’avaient plus de sens même dans la mémoire des anciens. Car une porte s’ouvrait sur le monde, mais la ville citadelle était repliée sur elle et n’avait pas connaissance d’autres êtres à leur image à l’extérieur de la ville. Une angoisse sourde ce matin là s’était réveillée. Ils n’étaient pas seuls. Des étrangers avaient pénétré la ville. Les leaders organisèrent une surveillance des remparts et de la ville. Les habitants les plus solides firent des rondes. Ils étaient vêtus chaudement car la tempête de la veille était l’annonce des premières neiges. A la tombée de la nuit, la neige se mit à tomber sur les toits de la ville. Autant la veille le vent avait fait craquer les bois des arbres, claquer des fenêtres mal fermées, siffler dans les ruelles, ce soir là, la ville était entourée d’ouate et de calme. Deux équipes de trois habitants faisaient une ronde au départ, l’une de la tour de Navarre, l’autre de la tour Saint Jean. Lors de la relève à deux heures du matin, les nouvelles équipes les yeux rivés au sol pour ne pas glisser sur la neige fraîche découvrirent avec effroi les empreintes de pieds nus parmi les traces des semelles des bottes. Ils abandonnèrent leur poste pour courir avertir les leaders qui veillaient sur la place centrale au cœur de leur zone. Une fois descendus des remparts, ils entendirent un son qui réveilla toute la ville. C’était un chant, un chant guerrier accompagné de tambour et de pas martelés qui faisaient vibrer les remparts. Ils étaient encerclés par le chant. Mais ils ne voyaient rien. Le chant se prolongea dans une mélopée mélancolique puis s’éteignit. Il n’y eut plus que le silence de la neige tombant sur la citadelle. Les habitants étaient glacés à l’extérieur et à l’intérieur. Ils rentrèrent chez eux sans pouvoir se réchauffer ni  retrouver le sommeil. Au petit matin, les habitants découvrir que deux nouvelles portes avaient été découpées dans le rempart. Elles étaient de bois rouge. Maintenant, la ville avait huit portes et aucune d’entre elles ne pouvaient s’ouvrir. Ils n’avaient ni les clés des deux nouvelles ni des anciennes. LMN réunit à nouveau les leaders. L’impossibilité d’expliquer ce qui se passait, de saisir ce qui pourrait advenir la nuit prochaine avait mis en état de sidération une partie des leaders. Les autres ressentaient quelque chose qui n’avaient pas été réveillée depuis des siècles, une violence, un sentiment confus de défense et d’agressivité. La nuit suivante, huit équipes firent des rondes. Devant chaque porte se tenaient des habitants. Il y avait trente centimètres de neige verglacée qui couvrait la ville d’un manteau luisant. L’alerte fut donnée à deux heures du matin. Une cloque retentit dans la ville. Du rempart, le jeune Paul avait vu sur les collines se détacher sous la lumière blanche de la lune les ombres de ce qu’il prit d’abord pour des géants à quatre pattes jusqu’à ce qu’il comprenne que des hommes faisaient corps avec des chevaux et que sur leur tête reposait une très haute coiffe faite de plumes. Les habitants montèrent sur les remparts pour voir le spectacle. C’était si beau qu’ils en oublièrent leur peur. Les cavaliers se séparèrent en huit groupes et se placèrent devant chacune des portes de la ville. Ils arrêtèrent de chanter. Le silence les fit sortir de leur béatitude. Ils redescendirent des remparts en courant, se poussant pour défendre les portes de la ville. Mais les cavaliers n’attaquèrent pas. Ils restèrent devant les 8 portes pendant  6 jours. Les hommes ne travaillaient plus au maintien de l’équilibre de la cité. Ils étaient accaparés à penser défenses, combats, tactiques. Les femmes se questionnaient sur les intentions de guerriers étrangers. Elles avaient envie de comprendre. Six femmes, une par zone demandèrent à LMN d’agir et d’aller à la rencontre des assiégeurs. LMN accepta. Elle ordonna que soit ramasser toute la neige de la ville pour en faire une montagne sur la place centrale, une montagne plus haute que les remparts. Elle fit creuser un tunnel sous chacune de deux portes rouges. Elle se para d’un manteau très long de fourrure rouge. Elle sortit par le tunnel sous la porte rouge située à l’Est de la ville. Les guerriers étaient assis en cercle autour d’un feu. Ils faisaient passer de main en main une pipe après en avoir inhalée. Elle avait été si discrète que c’est son odeur et sa présence qu’ils ressentirent avant de la voir. Le plus âgé se leva et fit un signe pour que les autres se poussent pour lui faire de la place à ses côtés. Elle s’assit en tailleur, le dos droit le visage ouvert, son regard balayant chacun d’eux en les regardant dans les yeux.  Ils baissèrent tous les yeux sauf le plus ancien qui l’avait introduite dans le cercle. Une mèche de ses cheveux roux s’échappa de sa capuche de fourrure rouge. Le vieil homme approcha sa main jusqu’à caresser la mèche et l’enrouler autour de son doigt puis la relâcher. 

 

Le vieil homme se pencha pour prendre devant lui un bol dont s’échappait une fumée. Il lui tendit le bol et l’invita d’un geste du menton à manger. Dans le bol trois couleurs, le jaune du Mais, le vert des courges, le rouge des haricots. Elle mangea tout en gardant ses yeux dans ceux du vieil homme. Elle se sentit prise d’engourdissement. Elle s’endormit.

 

Du haut des remparts, les habitants observèrent la scène, désemparés. Elle leur avait formellement interdit de sortir de la forteresse pour aller à sa rescousse, quoiqu’il arrive. 

 

Quand elle se réveilla, elle était enfermée dans une cage au centre du cercle. Les hommes à coiffe iroquoise, les visages maquillés étaient d’une beauté inquiétante. Elle n’arriva pas à distinguer leurs traits. Elle lut dans leurs yeux une curiosité douce contrastant avec la brusquerie de leurs gestes et le masque de guerre sur leur visage. 

 

L’un d’entre eux prit un bâton très fin et pointu et entre les grilles de la cage l’approcha du visage de LaMona. Elle ne sut si c’est pour la griffer ou la caresser. Elle recula dans la cage. Elle sentit dans son dos une pointe. Les hommes s’étaient avec souplesse et silence approchés de la cage, tous munis d’une flèche.  Elle chercha des yeux le vieil homme sans le trouver. Elle trembla de peur, esquiva, comme une danseuse. Jusqu’au moment où elle fut blessée. Une entaille sur sa joue droite et son épaule gauche. Son sang coula. Le jeu s’arrêta immédiatement. Elle n’était pas un esprit. Elle était vivante. Les hommes à coiffe de sauvages s’assirent en cercle et se lancèrent dans un conciliabule passionné.

 

Pendant ce temps, le jeune Paul et les six femmes représentantes des zones exécutèrent les ordres que LMN leur avait transmis avant sa sortie téméraire de la forteresse. Ils avaient fabriqué une statue géante de la Mona. Portant le même long manteau rouge. Elle leur avait dit de l’ériger au sommet du mont de glace au centre de la forteresse. Le mont surplombant la muraille était visible des assiégeurs du dehors. Suivant les instructions, ils construisirent 8 foyers en cercle autour de la statue et démarrèrent les 8 feux.

 

Quand les sauvages virent l’apparition de La Mona, là haut flamboyante comme maîtrisant les feux et la glace, et en même temps bien vivante là devant eux, ils furent remplis de crainte. 

 

Alors elle leur parla. Ils ne la comprenaient pas. Mais ils percevaient qu’elle n’était pas dans la peur. Qu’elle était douce.

 

Le vieil homme entra à nouveau dans le cercle. 

 

Par signes, ils tentèrent de se comprendre. LMN voulait savoir ce qu’il voulait. Pourquoi ils avaient créé deux nouvelles portes à la cité ? Pourquoi étaient-ils là au dehors ? 

 

LMN ne sut jamais si elle avait bien compris les deux messages du vieil homme : « Le futur doit être dangereux » et « Sauver le déséquilibre ».

 

Au lever du jour, les flammes sur le mont de glace s’éteignirent en un dernier souffle, alors que les hommes à coiffes magnifiques s’en allèrent au lointain et que LMN rentra par la huitième porte qu’elle laissa grande ouverte derrière elle.

 

 

bottom of page